"de l'esprit de cour" par Dominique de Villepin

Publié le 1 Janvier 2011

La cour : instrument pour parvenir, et foire aux vanités. Elle est indissociable du pouvoir, qui n'a cessé de croître, et d'élites, qui n'ont cessé de se déchirer pour le conquérir puis le conserver.


villepinDominique de Villepin fait preuve d'historien dans ce livre, même si toute arrière pensée politique n'en est pas absente.

L'idée de départ est que "l'esprit de cour est une spécificité bien française, constamment à l'oeuvre au coeur du pouvoir". Nous vivons dans un système de cour, sans qu'on le sache toujours vraiment.

La cour est indissociable du pouvoir, et si la cour a disparu en tant que telle, l'esprit de cour est toujours là.

L'esprit courtisan est absent des premières cours du Moyen-Age. Il ne prendra son essor qu'à la Renaissance. Les rapports entre le roi et ses chevaliers sont des rapports d'homme à homme, entre hommes indépendants mûs par la volonté de servir conformément à la justice et à l'honneur.

Lorsque la légitimité de la monarchie devient incontestable, le but du monarque n'est plus de faire servir, mais d'asservir. Le mouvement commence avec Philippe le Bel, et culmine bien sûr avec Louis XIV. Pour lui, il s'agit d'abaisser les grands, et en installant la cour à Versailles, il la domestique et l'enferme. La noblesse se coupe de ses racines provinciales et chevaleresques, et entame un processus de déclin irréversible. Elle se noie dans ses dissensions, et sera incapable de défendre la royauté, qu'elle aura même contribué à faire disparaître.

montesquieu.jpgL'ambition dans l'oisiveté, la bassesse dans l'orgueil, le désir de s'enrichir sans travail, l'aversion pour la vérité, la flatterie, la trahison, la perfidie, l'abandon de tous ses engagements, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du Prince, l'espérance de ses faiblesses, et plus que tout cela, le ridicule perpétuel jeté sur la vertu, forment, je crois, le caractère du plus grand nombre des courtisans, marqué dans tous les lieux et dans tous les temps".

Montesquieu (1689-1755), De l'esprit des lois.

Le rôle de la cour décline après Louis XIV, Versailles ennuie et Louis XV n'est pas Louis XIV. Au 18ème siècle, la Cour n'est plus le lieu de l'actualité littéraire et artistique. Les salons la remplacent. Mais la cour reste et l'esprit de cour aussi.

Il y aura encore des cours officielles sous le premier empire, la restauration et le second empire. Avec la république, elles disparaissent en tant que telle. L'esprit de cour demeure. "Les républiques démocratiques mettent l'esprit de cour à la portée du lus grand nombre et le font pénétrer dans toutes les classes à la fois", écrit Tocqueville.

Le début du 20ème siècle voit apparaître une classe de "professionnels" de la politique entourant les puissants, occupant les cabinets des ministres, peuplant les antichambres de l'Assemblée. "Ces hommes obtiennent au prix de mille bassesses la faveur de leur ministre avant de faire leur propre carrière", écrit Villepin. Professionnalisation et précarisation du politique aggravent les phénomènes serviles autour du pouvoir. Le conseiller du Ministre est un nouveau type de serviteur de l'Etat, à la fois maître parce qu'il dirige au nom du ministre, et esclave car dépendant totalement de lui, et révocable à tout moment..

Tocqueville.jpg"Le peuple ne pénétrera jamais dans le labyrinthe obscur de l'esprit de cour; il découvrira toujours avec peine la bassesse qui se cache sous l'élégance, la recherche des goûts et la grâce du langage".

Tocqueville (1805-1859)

Dans nos républiques technocratiques modernes, les élites se reconstituent en milieu fermé. "Ainsi joue-t-on à guichet fermé, dans un petit cercle restreint, où tout le monde se connaît, se côtoie, parfois depuis l'enfance, avant de se retrouver dans des lieux de sociabilité bien déterminés".

Les dernières pages sont consacrées à Sarkozy. Avec lui, "pour la première fois le pouvoir se confond avec la cour. Mieux, le pouvoir se fait cour. Il n'est pas tant le monarque offert aux regards que le premier des courtisans qui s'épuise dans l'art de séduire l'opinion, qu'il a érigée en nouveau souverain au lieu et place du peuple".

L'esprit de cour est inhérent à l'exercice du pouvoir. Il est en chacun de nous. Le courtisan moderne n'est pas fondamentalement différent de celui de Louis XIV, sauf qu'il n'est pas identifié en tant que tel. Il reste toujours celui qui est mû par son intérêt et prêt à tout pour le faire prévaloir.

Il crée un sentiment de coupure entre le peuple et les élites. "Dans les nominations d'état, le mérite s'estompe devant la faveur, nourrissant un large sentiment d'exclusion et d'injustice".

Au total, un livre fort intéressant et remarquablement écrit.

Il n'est pas sûr cependant que si l'auteur accédait au pouvoir,  l'esprit de cour dominerait moins la scène. Serait-il un des rares hommes d'Etat qui selon lui ont été des figures de proue à même de dominer la cour et d'imposer un grand dessein ?

Rédigé par jdio

Publié dans #un peu d'histoire

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